Polémiques liée au loup

Retour du loup
Le loup est réapparu dans le parc national du Mercantour en 1992, officiellement. Le Parc a depuis ses débuts lancé de nombreuses opérations de repeuplement afin d'augmenter la population des espèces les plus menacées. Les éleveurs ont alors pris cet argument pour affirmer que le Parc, qui est sous tutelle du Ministère de l'Environnement et de l'Aménagement du Territoire, avait aussi relâcher des loups.

Le département le plus concerné par le parc est les Alpes-Maritimes (53 050 ha en zone centrale et 107 150 ha en zone périphérique), de plus, ce département possède une tradition pastorale forte.

Quatre meutes ont été identifiées clairement depuis 1992 dans le département des Alpes-Maritimes, et chacune d'entre elle a reçu le nom de la Vallée dans laquelle elle était présente ; les meutes sont donc les suivantes : 
       -Meute de Vésubie-Tinée (6 à 8 loups),
       -Meute de Vésubie-Roya (5 à 6 loups),
       -Meute de Haute-Roya (4 à 5 loups),
       -Meute de Haute-Tinée (2 à 3 loups).

Le nombre total de loup dans les Alpes-Maritimes est donc estimé à environ 20 loups, ce qui représente la grande majorité des loups présent en France.

Revendications

     -D'un côté, les éleveurs affirment que le loup a été réintroduit dans les Alpes par des " écolos illuminés " et ils affirment cela par le fait que le loup n'a pu s'étendre en passant par les Abruzzes (en Italie) car il n'était présent que beaucoup plus loin en Italie, de plus les loups ont un ADN semblable à celui des loups Italiens (les loups morts en France ont été analysés par les scientifiques) donc selon les éleveurs, des loups Italiens ont été réintroduit en France.
Cependant, le même argument scientifique est repris par les défenseurs du loup et notamment le ministère de l'environnement qui estiment qu'aux vues des connaissances sur le loup et les théories sur l'expansion des populations, le loup provient d'Italie (analyse d'ADN à l'appui), mais qu'il est arrivé en France naturellement depuis le nord de l'Italie où il était présent.
     -Les éleveurs estiment que le Parc National du Mercantour est impliqué dans le " complot de la réintroduction " car il a gardé secrète les informations concernant l'observation du loup depuis 1991, alors que l'annonce officielle n'a été faite que fin 1992. Cela a permis selon eux au loup de s'établir.
Les défenseurs du loup clament le fait que le parc ne pouvait annoncer le retour du loup tant qu'il n'était pas sûr que les observations faites étaient bien celles du loup. En effet, la personne qui a vu pour la première fois officiellement les loups en France et que j'ai rencontré avec 3 camarades, nous a certifié qu'il fallait attendre quelques mois suite aux premières observations afin d'être sûr qu'il s'agissait bien de loup. l'argument des éleveurs n'est donc pas fondé.
     -Les pertes économiques engendrées par le loup sont aux yeux des éleveurs sous-estimées, ils pensent être lésés par le système ; de plus ils n'acceptent pas de devoir changer leurs méthodes de travail à cause du loup.
Les défenseurs du loup préconisent la mise en place de protections qui seraient plus efficace que le remboursement direct, ils pensent en effet que la plupart des éleveurs gagnent de " l'argent grâce au loup ".

Le bilan des attaques de loup

  NOMBRE D'ATTAQUES NOMBRE D'OVINS TUES ET BLESSES  Indemnisations
Alpes-Maritimes (1993-1998) 764 2 962 3 492 494 F
Isère 1998 160 183  985 F
Hautes-Alpes  58 318  310 000 F
Savoie 1998 26 166  117 516 F
Alpes de hautes Provence  25  87  51 578 F

Source : rapport Honde, 1999

En 1999, les éleveurs des Alpes-Maritimes ont subi 183 attaques ce qui a représenté 622 animaux indemnisés. Le montant total des aides pour cette seule année fut de plus de 1,2 million de Francs. 

Ce tableau fait transparaître que les Alpes-Maritimes est le département le plus concerné par les attaques et par la mort de brebis causée par le loup. Pour ce département, quasiment toutes les attaques concernaient les ovins et quelques caprins, seul deux bovins ont été attaqués. 
Le coût est donc bien réel et celui-ci est entièrement assumé par les programmes life loup. 

Les programmes life-loup

Les programmes " life nature " sont des dispositions visant à protéger les espèces sauvages présentes dans tous les pays de la communauté Européenne. Ceux-ci peuvent être déclinés pour toute les espèces menacées et qui sont protégées. Les loups sont concernés car ils font partie des espèces protégées sur le territoire européen, un premier programme life loup a donc été envisagé en 1997 par la communauté européenne et ce pour 3 ans. Conçu à l'origine pour le département des Alpes-Maritimes il a rapidement été étendu à d'autres départements. Doté de 8 millions de Francs et financé pour moitié par des crédits communautaires et pour moitié par le ministère de l'environnement ce programme a privilégié 4 axes : 

-L'amélioration de la connaissance du loup,
-La mise en place de mesures d'accompagnement en faveur des éleveurs ovins concernés,
-La réintroduction d'ongulés sauvages,
-Le développement de la communication sur le sujet du loup ( avec notamment la publication de Info Loup)

Un deuxième programme life loup présenté par le ministère de l'environnement et du territoire a été approuvé en juillet 1999 par la commission Européenne, il a visé les départements des Alpes du Sud à partir de 2000 et ce jusqu'en 2002. Le montant du programme s'élève à 18,6 millions de Francs. Dans ce deuxième programme une importance est donnée à l'élaboration de diagnostics pastoraux qui doivent répondre au cas par cas aux problèmes posés et à la mise en place des meilleurs outils de protection.

Les moyens de lutte mis en place

Les filets de protection

Ces filets de protection sont un moyen de regroupement des troupeaux pour la nuit qui se trouvent ainsi protégés en partie du loup par le barrage électrifié. Ce moyen n'est pas infaillible et nécessite une surveillance quotidienne. De plus, il favorise l'apparition de pathologies car le troupeau s'y concentre trop fréquemment ; cette occupation peut aussi entraîner du surpâturage car les moutons broutent l'herbe jusqu'en dessous du plateau de tallage des graminées. Ces mouvements du troupeau occasionnent par ailleurs une hausse de la charge de travail.

L'aménagement des parcours 

L'extensification de la conduite d'élevage et la quasi-absence de surveillance des troupeaux la nuit ont eu raison des cabanes et abris en pierre que les générations anciennes avaient érigés. Le retour du loup nécessitant le recours à une présence humaine la nuit, ces lieux ont dû être réhabilités. Des fonds ont alors permis la construction d'abris confectionnés de planches peu épaisses selon M Laugier. Cet " abri de jardin " est donc critiqué par les éleveurs qui oublient rapidement qu'avant la rénovation des abris, ils étaient condamnés à dormir sous une toile de tente et ce quelles que soient les conditions métérologiques.
La réhabilitation des voies d'accès a aussi été entreprise permettant à l'éleveur des déplacements plus aisés entre son lieu de domicile et l'unité pastorale qu'il exploite. Enfin, l'acheminement de l'eau a encore amélioré les conditions de vie de l'éleveur dans les alpages. Le loup a donc permis d'améliorer les conditions d'élevage ; sans toute fois pouvoir effacer le préjudice moral causé par la découverte des saignées opérées par le loup la veille.

Les patous (patous provient du mot pasteur)

Si les bergers sont habitués à l'utilisation de chiens pour la conduite du troupeau lors des déplacements de ce dernier, il en est tout autre du patou ou montagne des Pyrénées. Ce chien corpulent est utilisé pour prévenir le berger lors d'une attaque du loup et pour faire fuir les intrus à deux ou quatre pattes. Ce chien vit, naît et meurt dans le troupeau, il s'identifie donc complètement aux moutons qu'il protège. C'est pour cette raison qu'il est hostile à tout intrus et qu'il lui arrive de morde ou d'être agressif envers les randonneurs. Ces manifestations d'agressivité sont heureusement d'une extrême rareté. M Laugier lors de notre premier entretien s'était pourtant plaint d'une morsure qu'un de ces quatre patous lui avait infligeait le matin même. 
L'achat de ces chiens est subventionné à hauteur de 50 %, mais l'achat d'aliments, que ces colosses induisent, est le point qui alimente le plus les rancœurs des éleveurs envers ce moyen de protection car cette alimentation est à leurs frais.

Les aides berger

Des personnes recrutées par l'éleveur contractualisent un contrat à durée déterminée avec la Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt (DDAF). Ces personnes aident l'éleveur et l'assiste lorsqu'il doit s'absenter et notamment pour la fenaison des fourrages nécessaires à la rentrée des brebis pour l'agnelage en Février. Cependant bien que le temps passé à surveiller le troupeau soit accru, le temps passé par l'éleveur, lui-même, sur l'estive diminue parfois. L'aide berger prend alors la place de l'éleveur et n'assure plus son premier rôle de surveillance du troupeau en vue de réduire la prédation du loup. 
Néanmoins, cette aide reste indispensable d'une part pour apaiser psychologiquement les éleveurs et d'autre part pour leur permettre de s'occuper d'autres tâches comme les constats d'attaque.

Les indemnisations 

Lors d'une attaque, plusieurs bêtes peuvent être tuées ou blessées. Lorsque les bêtes sont retrouvées, l'éleveur fait appel aux agents assermentés du PNM (Parc National du Mercantour) ou de l'ONC (Office Nationale de la Chasse) par l'intermédiaire d'un relais téléphonique qui envoie l'un des trois agents le plus rapidement sur les lieux pour éviter que les causes de la mort de l'animal ne soient plus identifiables. Une fois sur les lieux (parfois après plusieurs heures de marche), le constat peut être établi. La réalisation de ce constat obéit à des critères très strictement définis qui s'attachent à décrire les conditions de l'attaque. Cette rigueur dans la réalisation de ce constat est indispensable pour différencier la prédation lupine de la prédation canine.
Le constat une fois rempli, il est envoyé à la DDAF qui demande l'avis du vétérinaire de l'ONC responsable des indemnisations. C'est lui qui prendra la décision d'indemniser ou non l'éleveur. Cette distinction des responsabilités dans le processus d'indemnisation permet, de la part du garde rédigeant le constat, de le faire sans subir d'avantage la pression de l'éleveur. Lorsque 20 bêtes ont été tuées, il ne faut pas oublier qu'il remplit le constat qui permettra ou non à l'éleveur de toucher 13 000 F. Car les bêtes tuées sont indemnisées à hauteur de 650 F/victime en moyenne, et le stress causé est plafonné aux 350 premières brebis, soit 1 500 F par attaque.

Le problèmes du financement des mesures de protection et des indemnisations se pose à l'heure actuelle, les programme "life" n'existent juste qu'à titre expérimentale et temporaire. L'état a alors pensé à un système d'assurance qui déplaît fortement aux éleveurs qui y voient un désengagement de l'état. Pour les éleveurs, l'état veut se décharger de ses responsabilités et privatiser un dossier qui reste avant tout une question de société.

Synthèse

Si les éleveurs ont mené un farouche combat contre le loup depuis les premières attaques, ce n'est pas réellement le loup qui était visé, mais plus généralement la société tout entière et en particulier le monde urbain. Les entretien réalisés avec des éleveurs nous ont fait percevoir que l'opposition entre le monde de la campagne et la rudesse du milieu montagnard s'opposait au confort de la ville. Un certain éleveur nous affirmant que "Les citadins, eux, ils protègent quelques choses mais qu'ils leur coûtent rien, ça c'est la politique du citadin ça, il est bien planqué chez lui, il est écolo mais il a tout son confort, il a le chauffage électrique, il a deux voitures au garage. Si un jour on lui coupe la lumière ou l'eau il se suicide le mec, il téléphone pendant une heure et demi…". Ce malaise est renforcé par la perte d'identité, alors que depuis des dizaines d'années on a demandé à l'éleveur d'être le "gardien" de l'espace montagne, aujourd'hui il est chassé par des mêmes personnes qui jadis l'encourageaient. Enfin, et surtout, il faut savoir que pour bon nombre de gens, la montagne représente un milieu sauvage, la nature vierge, or, pour les éleveurs, elle représente un milieu domestiqué et maîtrisé. Cette opposition de vision est au centre du débats, car l'éleveur qui maîtrise son espace est aujourd'hui confronté à un animal non domestiqué et non contrôlable que les défenseurs de la nature veulent protéger.

 

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